Les chars Français en action


C'est à Berry-au-bac, le 16 avril 1917, que des Chars Français sont engagés pour la première fois. C'est également un déploiement de grande envergure, mais qui se révèle en échec. Toutefois les chars auront l'occasion de se distinguer, une fois les leçons assimilées, en mai au Moulin de Laffaux, et à La Malmaison en Octobre. En 1918, le char devenait indispensable pour toutes les offensives.


Tests de Souain, le 9 décembre 1915.

Berry-au-bac n'est qu'un secteur de la grande offensive du chemin des dames ordonnés par le Commandant en chef, Robert Nivelle. Pour cette occasion, la quasi-totalité des chars Schneider CA-1 disponibles, 128, montent en ligne (400 furent produit au total). Ils partent au nord de Berry-au-Bac, du camp de Champlieu qui se situe en bordure de la forêt de Compiègne. Deux groupements, BOSSUT et CHAUBES ont pour objectif de percer entre Corbeny et Berry-au-Bac et chasser les Allemands de la cote 108, qui commande le secteur.


Carte de l'offensive Nivelle de l'Aisne, en 1917.

Malheureusement, cette action est vouée à l'échec. Le temps de monter en ligne, bien des chars tombent en panne. Les équipages n'ont eu que peu de temps pour se familiariser avec leur maintenance. Une fois engagés, les blindés s'enfoncent dans les trous d'obus et manquent de puissance pour s'extraire de la boue collante typique de la région. Ils s'immobilisent et deviennent dès lors des cibles faciles pour l'artillerie allemande, qui découvre vite leur point faible.


Le char Schneider.

En effets, les Allemands ont déjà eu à faire avec les blindés Britanniques en Septembre l'année précédente, dans la somme. Ce n'est dont plus une surprise, et des instructions ont été données depuis pour faire face à un tel assaut, et des balles de type "K" perce-blindage, largement distribuées à tous les régiments. Le blindage des Schneider était suffisant pour faire face à des balles de fusil Mauser à 150 m, mais ni des obus ni des munitions spéciales. De plus, leur groupe moteur et sa réserve de carburant se situent à l'avant, dans le compartiment de l'équipage. Les cannoniers Allemands visent ce point faible et les chars s'embrasent (57 sont perdus de cette façon). D'autres seront détruits par des tirs d'artillerie indirects. Les tankistes Français paieront un lourd tribut, à l'image de l'infanterie, en quelques dizaines de minutes. Suite à cet assaut les Schneiders seront même surnommés "crématoriums ambulants" par ces derniers.


Schneider détruit, photographié après l'assaut par des troupes Allemandes.

Bilan de l'opération, 81 chars mis hors de combat, et 28 en panne avant ou pendant l'offensive. Seuls 19 parviennent donc aux tranchées Allemandes, bien trop peu nombreux, et trop dispersés, mal coordonnés avec l'infanterie, ils ne peuvent changer la situation. 180 hommes seront tués, blessés ou disparus, y compris le commandant BOSSUT. Un monument sera érigé à Berry au-bac, inauguré en 1922 sur le terrain de la ferme du Choléra acquis l'année précédente. Ce qu'on appelait "artillerie d'assaut" n'en était toutefois qu'à ses balbutiements. Il y aurait des succès, plus tard, les leçons apprises et les défauts corrigés.

Au final, cette première opération se solda par un échec, près de 40% de l'infanterie se soutien étant décimée. Le landemain même, 17 avril, le Groupement 3 (Capitaine Henri Lefebvre) devait monter en ligne à Moronvilliers avec deux groupes des Schneiders et quelques St Chamond. L'opération sera annulée, afin que les leçons de l'attaque du 16 puissent être digérées. Mais cela n'est pas la fin de ce genre d'opérations. Fort du soutien sans faille du colonel Estienne, l'emploi des blindés va se poursuivre et se perfectionner.

Offensive du Moulin de Laffaux (5 mai)

Les tankistes Français auront l'occasion de prouver leur valeur à l'occasion de cette offensive sur le saillant de Laffaux, sur le même secteur du chemin des dames. Alors que toutes les autres attaques d'infanterie échouent, l'attaque du groupement blindé Lefebvre réussit et atteint tous ses objectifs. Le saillant est éliminé, et la liaison entre le chemin des dames et la ligne hindenburg sécurisé. Ce fut aussi le premier engagement du char St Chamond.


Chars Schneider en colonne, venant d'être livrés par rail.

Le commandement à eu l'occasion de mettre en pratique un assaut combiné bien coordonné: Les chars avancent en "tirailleurs" et non plus en colonnes (cibles trop faciles), l'infanterie est coordonnée grâce à une unité entraînée tout spécialement pour les tactiques combinées, le 17ème Bataillon de Chasseurs à Pied. De plus le support d'artillerie est coordonné avec précision grâce à une unité dédiée d'avions d'observation protégés par six chasseurs SPAD VII. Les unités d'artillerie Allemandes doivent être neutralisées par un tir de contre-batterie.

Les chars Français, parviennent, malgré les pannes, à prendre la première tranchée, puis la seconde, et en enfin assister l'infanterie dans les combats fluides de l'arrière-garde Allemande, faisant face aux réserves. Le manque de carburant avait été aussi à l'origine de l'emport par les équipages de réservoirs supplémentaires, voir de bouteilles d'éther pour "booster" le moteur, en plus de leur propre réserves de liqueur qui avaient été mis en cause lors des embrasements précédents. Cette fois des mesures de sécurité avaient été prises. Le surblindage systématique contre les munitions K prouvait également son utilité malgré le poids supplémentaire. Par la suite, les chars CA1 seraient modifiés encore avec le déplacement du réservoir de carburant à l'arrière. Au total, sur 33 chars engagés, 5 sont détruits dont 3 Schneiders, il y aura 55 morts et blessés. Bien des chars hors de combat seront réparés dans la nuit, malgré les conditions difficiles.


Char St Chamond.

Offensive de La Malmaison (23 Octobre)

Equipage d'un char Saint Chamond, vue de l'interieur (Getty images) Après le remplacement de Nivelle par le plus prudent Pétain, les nouvelles offensives planifiées doivent inclure systématiquement des tanks (notamment le petit FT qui doit arriver en masse). L'offensive de La Malmaison tient place le 23 Octobre 1917, toujours sur le Chemin-des-Dames. C'est le groupement Chaubès qui le mène, avec les groupes AS 8, 11 and 12, chacun 12 chars, pour 41 au total en comptant les chars ravitailleurs. Deux chars étaient dotés pour la première fois d'un équipement radio.

Renault FT, ouvert L'offensive fut mitigée cependant, beaucoup de chars n'étant pas prêt suit à une embouteillage à la sortie de leurs lignes, certains tombant ensuite en panne ou s'enlisant dans un marais. Pour ceux qui passèrent, un brouillard, leur blindage additionnel, et une excellente coopération avec l'infanterie assurent leur réussite et prouve leur grande utilité. Les objectifs seront pris, mais plus encore, l'arme blindée est maintenant prise au sérieux par le commandement, qui débloque les fonds et l'inclus dans d'autres d'opérations.

Schneider CA-1 à Saumur
Le dernier char Schneider à Saumur. Un autre est en reconstitution.

Les Combats de 1918

Pour la grande offensive de l'été 1918, on pense empolyer plusieurs milliers de chars. Les Français en fournissent la plupart, du modèle FT. Dans cette course technologique, le Schneider est obsolète, et malgré les efforts de la firme pour améliorer le modèle (le CA-2 à une tourelle, le CA-3 une caisse améliorée et un moteur plus puissant), le petit modèle de Renault est largement préféré, à tel point qu'il va équiper les Américains, qui le produiront sous licence.


Renault FT au musée des armées (Invalides), Paris.

Le 21 mars, 245 Schneider CA-1 opérationnels prenaient part aux combats contre la grande offensive Allemande du Printemps. Des chars Schneider sont encore utilisés à Sauvillers-Mongival (5), à Grivesnes (6), au Bois de Sénécat (12) en avril, ou appuient les troupes Américaines le 28 mai sur la Somme (Bataille de Cantigny). Ils participent à la troisième bataille de l'Aisne, puis à la Bataille de Matz, où 75 CA-1 sont engagés avec succès du fait de la concentration blindée (35 perdus).


Troupes Américaines montant en ligne en Argonne, 1918, montés sur des Renault FT. Le futur général Patton fera ses classes en Novembre 1917 dans l'école de chars à Champlieu près d'Orrouy.

C'est tout particulièrement à la Bataille de Soissons qu'ils s'illustrent. En coopération avec les troupes Américaines, trois groupements prennent part à la reconquête du terrain perdu, 123 chars, St Chamond et Schneider. Parmi les derniers engagements figurent la Bataille de Saint-Mihiel. Schneider et St Chamond sont cette fois sur un terrain plat et parfaitement à l'avantage. Mais le gros des offensives reposent maintenant sur le Renault FT. Au final, 4500 sortiront des usines de Boulogne-Billancourt. Bien plus (près de 20 000) devaient être produit pour les grandes offensives du début 1919, largement fournis aux armées alliées.